Avant d'émettre des hypothèses sur l'histoire ancienne (très probable) du suaire de Turin, il faut d'abord connaître son histoire certaine c'est à dire celle qui s'appuie sur des documents qui parlent explicitement du linceul que l'on connaît actuellement.
De Sébastien Cataldo, le 05 janvier 2017
Avec ces livres, vous allez connaître toutes les bases des études sur :
- Le Tome 1 – Les évangiles, vous pourrez lire une synthèse théologique couvrant l’analyse des quatre évangiles au regard de leur correspondance possible avec le linceul de Turin… qu’il soit authentique ou non.
- Le Tome 2 - L’histoire, vous allez savoir si ce linceul peut être historiquement daté du Ier siècle.
- Le Tome 3 - la médecine, vous découvrirez ce que les médecins légistes ont déclaré quand ils ont examiné les blessures de l’homme du linceul.
- Le Tome 4 - la science, vous aurez toutes les connaissances requises pour comprendre les découvertes scientifiques les plus importantes et la controverse de la datation au carbone 14.
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Lors de la rédaction du premier livre sur le linceul de Turin, j'avais mis l'accent sur les points qui faisaient débats ou qui émettaient des hypothèses(1) sur l'existence du linceul avant les premières ostensions de 1357. Il faut bien savoir qu’aucun document découvert ne parle « explicitement »(2) du linceul de Turin avant les ostensions 1357.
Ces documents jusqu'à présent ne forment que des hypothèses sur l'existence de ce tissu avant 1357.
Parfois certains documents sont troublants ou donnent à penser qu’ils parlent du linceul de Turin, mais jamais aucun ne donne de descriptions assez précises pour affirmer qu’il s’agit bien du même tissu ou de la même image. Ce qui permet de dire qu'avant 1357, le linceul de Turin – tel qu'on le connaît actuellement – n'a pas d'existence historique documentée assez explicite et indiscutable.
Il ne faut pas non plus aller dans le sens contraire et réfuter ou discréditer systématiquement chaque document qui décrit un tissu comportant une image imprimée, sous prétexte que l'on n'y voit pas le linceul tel qu'on le connaît actuellement. Les hypothèses peuvent faire avancer les choses et permettent parfois de savoir dans quelle direction chercher.
Ce point étant fait, je vais commencer par décrire l'histoire certaine du linceul de Turin, c'est à dire celle qui ne souffre d'aucune contestation. J'ai donc cherché à savoir quels étaient les documents consultables qui permettaient de donner des dates précises sur le linceul de Turin. Il s'agit ici de certitudes et non d'hypothèses.
On considère souvent que le premier détenteur du linceul de Turin fut Geoffroy I de Charny, chevalier, porte-oriflamme du Roi Jean le Bon, mort en septembre 1356 à la bataille de Poitiers contre les Anglais.
Déjà, l'histoire du linceul s’annonce difficile. Ce chevalier n’a fait mention, dans aucun document connu, qu'il est en possession du linceul ou d'un tissu avec l'image du Christ. Ce ne seront que sa veuve Jeanne de Charny et son fils Geoffroy II de Charny, puis plus tard en 1525(3) les chanoines de Lirey, qui le confirmeront.
Il n'y a donc aucun document de Geoffroy de Charny lui-même ou un quelconque document contemporain des faits, c'est-à-dire du vivant de Geoffroy de Charny, qui explique comment ce dernier est entré en possession du linceul (si bien sûr ce linceul n'a pas été « créé » par ses descendants ou lui-même sans qu'il en fasse mention).
Cependant lors d'une première captivité en 1342(4) à la suite de la bataille de Morlaix contre les Anglais, Geoffroy de Charny fit le voeu de construire une église dédiée à la Sainte Trinité s’il était délivré. Ce qui fut fait peu de temps après. Le roi Philippe de Valois rencontra Geoffroy de Charny et lui concéda les rentes d'un domaine afin de construire cette église avec quelques chanoines à son service. Le 16 Avril 1349 Geoffroy adresse au pape une demande d'indulgence de 100 jours pour les pèlerins qui visiteraient son église. Entre temps, Geoffroy participe à plusieurs batailles et le roi Philippe VI lui offre plusieurs reliques mais dans aucun document contemporain il n'est question de linceul. En janvier 1350 il est prisonnier des Anglais, puis libéré en juin 1351 après rançon
versée par le nouveau roi de France Jean le Bon. C'est alors qu'en Janvier 1354 il demande de nouveau au pape des indulgences plus grandes et un nombre de chanoines plus importants. Il meurt ensuite en 1356 à la bataille de Poitiers. Que s'est-il donc passé entre sa première demande d'indulgence en 1349 et la seconde en 1354 ? Il ne laisse aucun document expliquant pourquoi il demandait plus d'indulgences et plus de chanoines. Mais toujours pas un mot sur le linceul.
Était-il sa possession ? Les différentes hypothèses(5) de l'acquisition du linceul par Geoffroy de Charny nous montrent qu'il n'y a pas de documents retrouvés indiquant l’existence du linceul avant 1357.
C'est donc sa veuve, Jeanne de Vergy, qui procédera aux premières ostensions publiques du linceul en 1357 dans la modeste collégiale en bois de Lirey en Champagne.
Quels sont les documents qui permettent de l'affirmer ? Seules deux sources parlent de ces ostensions et surtout de leur arrêt :
- une médaille(6) représentant le linceul avec l'image du Christ de dos et de face, porte les armoiries de Geoffroy de Charny et de sa femme Jeanne de Vergy.
Mais aucune indication de date n'est mentionnée.
- et le mémorandum(7) de l'Évêque Pierre d'Arcis(8). Mais la copie conservée n'est ni datée ni signée. Pierre d'Arcis l'écrit en 1389 demandant l'arrêt des ostensions du linceul dans l'église de Lirey en évoquant un faux « habilement peint » dont l'artiste a été démasqué par son prédécesseur de l'époque, Henri de Poitiers « vers 1355 » dixit Pierre d'Arcis. Cependant il n'y a aucune trace d'un document où Henri de Poitiers se plaint des ostensions du linceul. Au contraire, un document de l'époque (28 Mai 1356) parle de l'approbation de l'Évêque Henri de Poitiers du culte divin dans l'église de Lirey sans toutefois mentionner le linceul(9). Alors était-il exposé à ce moment-là sous les yeux d'Henri de Poitiers ?
Dans tous les cas les ostensions reprennent en 1389 à Lirey. Voici donc les premiers documents contemporains qui parlent du linceul, car à cette époque éclate la polémique avec Pierre d'Arcis. Ce sont les chanoines de l'église de Lirey qui s'occupent des ostensions et se voient confier le linceul par Geoffroy II de Charny.
Les bulles(10) successives du pape Clément VII (devenu le neveu par alliance de Jeanne de Vergy qui a épousé Aymon de Genève, l'oncle de Clément VII), dont celle du 28 Juillet 1389, autorise Geoffroy II de Charny à exposer le linceul. Ostensions confirmées par la bulle du 1 juin 1390 concluant l’affaire de Lirey où le Pape accorde des indulgences aux pèlerins de l’église de Lirey qui viennent voir « l’image ou représentation du suaire du Seigneur conservée avec respect (ou vénération) ». Dans ces bulles, Pierre d'Arcis est condamné au silence perpétuel mais l'église ne confirme pas que ce linceul est celui du Christ – elle en autorise néanmoins les ostensions. Pour l'église l'affaire est close.
Il n'y a aucun document avant 1389 conservé ou découvert à ce jour qui décrit le linceul, ni ne parle de son propriétaire et ni comment il l'a obtenu (ou fabriqué).
En 1418 les chanoines de Lirey confient le linceul à la fille de Geoffroy II de Charny, qui a épousé entre temps Humbert de Villersexel, comte de la Roche et seigneur de St Hippolyte sur Doubs. Elle met à l'abri le linceul dans son château de Montfort à cause des troubles de la guerre de cent ans et des pillards.
Puis le linceul est exposé dans l'église de St Hippolyte sur Doubs pendant plusieurs dizaines d'années.
De 1443 à 1459(11) les chanoines de Lirey vont tenter par la justice d'obliger Marguerite de Charny à leur rendre le linceul. Mais cette dernière refusera jusqu'à sa mort. Le parlement de Dole en 1443, puis la cour de Besançon en 1447, donnent raison à Marguerite de Charny ou plutôt Marguerite de La Roche. Celle-ci continuera donc d'exposer le linceul et à le faire voyager pour des ostensions à Liège par exemple en 1449.
Mais en 1453, Marguerite de Charny reçoit du Duc de Savoie, Louis Ier, le château de Varambon en échange du linceul. Le linceul est donc désormais la propriété de la Famille de Savoie.
En 1460 Marguerite de Charny meurt.
Puis en 1464, un accord entre Louis Ier de Savoie et les chanoines de Lirey stipule que ces derniers recevront une rente annuelle prélevée sur les revenus du château de Gaillard en compensation de l'abandon du linceul au profit de la famille de Savoie. L'accord spécifie que le linceul a été donné à l'église de Lirey par Geoffroy Ier de Charny puis transmis à Louis Ier de Savoie par Marguerite de Charny.
En 1502, après la mort de Louis Ier de Savoie en 1465, son fils Amédée IX dépose le linceul dans la Sainte Chapelle à Chambéry. Sa femme Yolande, y installe les « Pauvres Clarisses » qui s'occuperont du linceul. Il sera exposé au gré des déplacements de la famille de Savoie durant plusieurs années.
Le 4 Décembre 1532, un incendie ravage la Sainte Chapelle de Chambéry où est conservé le linceul dans son reliquaire en argent. Le pire est évité de justesse, quelques gouttes d'argent du reliquaire tombent quand même sur le linceul faisant des trous importants. De grandes traces d'eau encore visibles aujourd'hui témoignent que le linceul a été sauvé in extremis.
Deux ans plus tard, le linceul est consolidé par une toile de Hollande et des patchs sont cousus sur les trous par les Clarisses de Chambéry.
En 1578 le linceul est définitivement installé à Turin d'où il fera l'objet de nombreuses ostensions publiques ou privées.
En Mai 1663 une copie peinte du linceul est réalisée puis apposée sur celui-ci afin de « sanctifier » la copie.
Il connaîtra une longue série d'expositions et de manipulations jusqu'à l'exposition de 1898 où Secondo Pia fera la première photo du linceul.
À partir de cette date, le linceul de Turin sera alors l'un des objets archéologiques les plus étudiés et les plus controversés au monde.
(texte intégral du livre - "Complément d'enquête")
Référence :
1- S. CATALDO et T. HEIMBURGER, Le linceul de Turin. Et vous qui dîtes-vous que je suis ?
2 - J'entends par « explicite » des documents dont le contenu est suffisamment précis sur la description du linceul pour le relier au linceul de Turin actuel et/ou surtout que la « traçabilité » puisse permettre de faire le lien avec le linceul que possédait la famille de Charny.
3 - « Pour scavoir la voirs (vérité) » : Notice affiché en 1525 par les chanoines des Lirey lors de la reconstruction de l'église et qui expliquait entre autres comment Geoffroy de Charny s'était évadé « miraculeusement » d'Angleterre. Des copies sont disponibles à la Bibliothèque Nationale de Paris.
4 - http://xoomer.virgilio.it/bachm/DUBARLE1.PDF
5 - Le linceul de Turin, op. cit., pp. 44 à 47
6 - Visible au Musée National du Moyen Âge, Thermes et hôtel de Cluny, Paris.
7 - Cf. Mémoire de Pierre d’Arcis, évêque de Troyes, au pape d’Avignon Clément VII. Paris, Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, v.154, fol.138.
8 - Le contenu du document a été traité dans le livre Le linceul de Turin, op. cit., pp. 47 à 53.
9 - www.shroud.com/bar.htm#scavone
10 - Le contenu de ces bulles est analysé en détail dans le livre Le linceul de Turin, op. cit., pp. 50-51.
11 - www.shroud.com/history.html
Lisez les autres articles en relation avec l'histoire du linceul :
- Le manuscrit du Codex de Pray
- L'iconographie du visage du Christ
- L'histoire certaine du linceul
- Les Evangiles parlent du linceul
- Othon de la Roche et le linceul
A propos du site
Le linceul de Turin ou Saint Suaire est un objet archéologique fascinant, qu’il soit un vrai linceul ayant recouvert le corps de Jésus de Nazareth ou qu’il ait été créé par l’homme pour représenter la Passion et la mort du Christ. Mais comme toutes les « reliques », ce tissu et cette image opposent les croyants que les sceptiques. Ce site, les conférences et les livres qui sont proposés par l’auteur sont là pour faire la différence entre croyance et science, démêler le vrai du faux et dépassionner les débats en ne proposant que l’approche scientifique du sujet. Même s’il est possible de faire de ce linge le rapprochement avec le linceul du Christ pour un croyant, il n’en reste pas moins que c’est la science et l’histoire qui pourront confirmer ou non l’authenticité du linceul de Turin. Enfin, même si la science continue d’affirmer que ce linceul n’est pas celui de Jésus de Nazareth, car il ne faut pas oublier qu’il peut toujours s’agir d’un « vrai » linceul ayant contenu le corps ensanglanté d’un homme quelque soit son époque, il n’en reste pas moins que l’étude de son histoire et le mode de « fabrication » de son image restent des recherches passionnantes et constituent l’essentiel des propos de l’auteur. Quelle que soit l’issue de cette « histoire », l’auteur proposera d’étudier ce linceul comme tout autre objet archéologique d’un point de vue historique et scientifique pour comprendre comment il a été « fabriqué ».
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